Bubblegum Crisis
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La pauvreté et les inégalités dues à la concentration des revenus et des patrimoines dans les mains des oligarques. Ainsi, de 2014 à 1015, le nombre de Russes sous le seuil de pauvreté est passé de 15 à 23 millions de personnes. Le poids des oligarques est démesuré dans l’économie et la politique russe. Les 100 premiers oligarques concentreraient plus de 30% des richesses du pays.
L’inflation : galopante durant les années 1900 (90% en 1999), elle est restée vigoureuse durant la décennie 2000 en raison de l’afflux de devises issues des exportations : elle s’est maintenue à 10% en moyenne sur la période.
La force apparente du régime Poutine est minée par l’absence de réformes structurelles : la Russie est, en 2015 comme en 1998 et en 2008, à la merci des retournements des cours de matières premières et de la contraction de la demande globale.
1.3. Les finances publiques russes reflètent les déterminants structurels de cette économie.
La dette et le déficit public russes ont été contenus. Ainsi, durant les années 2000, la Fédération a dégagé des excédents budgétaires importants (9% du PIB en 2006 au pic) et a contenu, même en 2014 et 2015 le déficit en dessous de 3% du PIB. De même, la dette de la Fédération de Russie a été réduite de 99% du PIB en 1998, année de crise aiguë, à 22% du PIB en 2015. Pour mémoire, la dette publique, en France, s’élève à 96% du PIB et le déficit à 3,8% du PIB.
Grâce à la manne des hydrocarbures, la Fédération de Russie a constitué des réserves de change importantes : 540 Mds US$ à son pic en 2012, à comparer aux 4 000 MdsUS$ de la République Populaire de Chine. C’est ce qui sert à la Russie pour amortir le choc des sanctions, de la baisse du prix des hydrocarbures et des dépenses sociales.
En particulier, depuis 2009, les dépenses militaires ont crû, tant en matière d’équipements qu’en matière de personnels. De 2010 à 2014, le budget de la défense a doublé. En 2015, l’effort de défense russe rapporté au PIB représente plus de 4% de la richesse nationale. Pour mémoire, il est d’environ 2 % en France. En 2015, les effectifs militaires russes ont atteint 850 000 personnes.
Toutefois, l’extrême dépendance des recettes fiscales à l’égard des exportations d’hydrocarbures et la mobilisation des réserves de change pour maintenir le cours du rouble face aux attaques répétées contre la devise russe mettent les finances publiques russes à l’épreuve. Ainsi, le déficit public aurait été en moyenne de 10% par an sans les hydrocarbures.
En somme, la Russie n’est pas un pays (ré)émergent comme l’Inde et la Chine qui croissent en développant de nouveaux secteurs économiques. C’est une économie rentière qui jouit d’une croissance sans développement. Ses perspectives de croissance endogènes sont limitées et précaires. C’est une économie à la merci des retournements des cours des matières premières et des contractions de demande internationale.
1. Les tendances récentes : la dégradation de la conjoncture en 2014-2015 risque de se prolonger en 2016 faute de réformes structurelles
1.1. En 2014 et 2015, la conjoncture économique russe s’est dégradée
Le PIB a stagné en 2014 (+0,6%) et s’est contracté de -3,8% en 2015. Après avoir été difficilement jugulée durant les années 2000, l’inflation est repartie à la hausse en 2014 (+7,8%) et 2015 (15,8%). De même, le taux de chômage est reparti à la hausse et a crû à plus de 8% en 2015. Le rouble s’est déprécié et a fait l’objet d’attaque répétées en raison de la fuite des capitaux depuis 2014 (128 Mds US$ ont quitté le pays en 2014). En particulier, le 16 décembre 2014, le rouble a perdu 20% face au dollar et la bourse de Moscou a subi un mini-krach en perdant 17% de sa capitalisation en un jour. La banque centrale relève alors ses taux directeurs mais décourage ainsi l’investissement domestique. Elle ne peut mener de front trois objectifs : défendre le rouble pour soulager le poids des dettes libellées en devises, juguler l’inflation et favoriser l’investissement.
Les causes de cette dégradation sont de plusieurs ordres.
La baisse des cours des hydrocarbures d’abord : suite aux décisions de l’OPEP, les cours du pétrole ont été divisés par 3 de 2014 à 2015 : mi 2014, le baril de brent était à 120 US$ ; fin 2015, il est à 40 US$. Or budget et perspectives de croissance pour 2015 et 2016 étaient bâties sur un cours à 100 US$ le baril comme l’a rappelé le président Poutine le 17 décembre 2015 lors de sa conférence de presse internationale.
Le cycle des sanctions et contre-sanctions européennes et russes ensuite : les sanctions européennes privent la Russie d’afflux de capitaux dont le pays a un besoin vital ; les contre-sanctions ou embargo suscitent une reprise de l’inflation.
Enfin, les fuites de capitaux privent l’économie d’investissements et affaiblissent la devise nationale en dégradant la balance des paiements courants.
Les conséquences sur les finances publiques russes sont sensibles. Le déficit public s’est creusé en 2015 de -4,5% après des années d’excédent ou de stabilité. Certes, la dette publique est restée contenue mais les dépenses sociales sont dynamiques. Si l’état central souffre encore peu des déficits récents, les collectivités locales ont le plus grand mal à se financer en raison d’un effet de ciseau entre, d’une part, l’augmentation des dépenses sociales et, d’autre part, le renchérissement du crédit. La conjoncture récente (2014-2015) n’a pas entraîné la ruine de l’économie russe. Mais elle a souligné de nouveau (après 1998 et 2009) les fragilités structurelles de l’économie : dépendance à l’égard des exportations énergétiques, non reconversion de son appareil industriel et agricole, instabilité monétaire, inflation endémique, fuite des capitaux, sous-développement financier.
2.2. Perspectives négatives pour 2016 : récession, inflation et baisse de niveau de vie
Lors de sa conférence de presse internationale annuelle du 17 décembre 2015, le président Poutine a annoncé un retour de la croissance pour 2016 grâce au retour des investissements pour retrouver une croissance positive en 2016. Mais ce n’est probablement qu’un voeu, déjà formulé lors de la conférence de presse annuelle du 19 décembre 2014.
Plusieurs éléments assombrissent les perspectives de croissance du PIB et des recettes fiscales pour 2016.
Le PIB devrait se contracter de 0,5% en 2016. La Russie resterait en récession pour une année au moins. La production industrielle est en contraction depuis la fin de 2014 et le restera.
Le rouble reste à la moitié de son cours d’avant la crise ukrainienne et les taux restent élevés. L’instabilité monétaire persistera ainsi que la raréfaction du crédit.
La demande intérieure continue de se contracter (-4 % par an). Il n’y aura pas de relai de croissance par la demande intérieure en raison de l’incapacité de la production nationale à remplacer les importations européennes.
Si la contraction de la demande soulage l’inflation en général, les produits de première nécessité voient eux leur prix continuer à s’envole, pénalisant toujours plus le pouvoir d’achat des Russes : l’inflation des produits alimentaire atteint 17% au mois de décembre 2015.
Les cours des hydrocarbures sont pour l’instant sous les 40 US$. Leur remontée reste conditionnée à un éventuel changement de stratégie saoudienne, regain d’activité mondiale ou une modification profonde de la dynamique aux États-Unis.
Loin de s’alléger, le poids des sanctions est renforcé par les sanctions à l’égard de la Turquie.
Pour 2016, les causes de la récession économique russe (faible prix des hydrocarbures et faiblesse des productions nationales hors énergie) ne varieront pas. Les perspectives de court et moyen terme sont négatives pour l’économie russe : à politique étrangère inchangée et en l’absence de réformes structurelles pour l’économie domestique, la Russie de Poutine sera condamnée à en rabattre sur ses prétentions géopolitiques.
Manuscrit clos le 23 décembre 2015
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La pauvreté et les inégalités dues à la concentration des revenus et des patrimoines dans les mains des oligarques. Ainsi, de 2014 à 1015, le nombre de Russes sous le seuil de pauvreté est passé de 15 à 23 millions de personnes. Le poids des oligarques est démesuré dans l’économie et la politique russe. Les 100 premiers oligarques concentreraient plus de 30% des richesses du pays.
L’inflation : galopante durant les années 1900 (90% en 1999), elle est restée vigoureuse durant la décennie 2000 en raison de l’afflux de devises issues des exportations : elle s’est maintenue à 10% en moyenne sur la période.
La force apparente du régime Poutine est minée par l’absence de réformes structurelles : la Russie est, en 2015 comme en 1998 et en 2008, à la merci des retournements des cours de matières premières et de la contraction de la demande globale.
1.3. Les finances publiques russes reflètent les déterminants structurels de cette économie.
La dette et le déficit public russes ont été contenus. Ainsi, durant les années 2000, la Fédération a dégagé des excédents budgétaires importants (9% du PIB en 2006 au pic) et a contenu, même en 2014 et 2015 le déficit en dessous de 3% du PIB. De même, la dette de la Fédération de Russie a été réduite de 99% du PIB en 1998, année de crise aiguë, à 22% du PIB en 2015. Pour mémoire, la dette publique, en France, s’élève à 96% du PIB et le déficit à 3,8% du PIB.
Grâce à la manne des hydrocarbures, la Fédération de Russie a constitué des réserves de change importantes : 540 Mds US$ à son pic en 2012, à comparer aux 4 000 MdsUS$ de la République Populaire de Chine. C’est ce qui sert à la Russie pour amortir le choc des sanctions, de la baisse du prix des hydrocarbures et des dépenses sociales.
En particulier, depuis 2009, les dépenses militaires ont crû, tant en matière d’équipements qu’en matière de personnels. De 2010 à 2014, le budget de la défense a doublé. En 2015, l’effort de défense russe rapporté au PIB représente plus de 4% de la richesse nationale. Pour mémoire, il est d’environ 2 % en France. En 2015, les effectifs militaires russes ont atteint 850 000 personnes.
Toutefois, l’extrême dépendance des recettes fiscales à l’égard des exportations d’hydrocarbures et la mobilisation des réserves de change pour maintenir le cours du rouble face aux attaques répétées contre la devise russe mettent les finances publiques russes à l’épreuve. Ainsi, le déficit public aurait été en moyenne de 10% par an sans les hydrocarbures.
En somme, la Russie n’est pas un pays (ré)émergent comme l’Inde et la Chine qui croissent en développant de nouveaux secteurs économiques. C’est une économie rentière qui jouit d’une croissance sans développement. Ses perspectives de croissance endogènes sont limitées et précaires. C’est une économie à la merci des retournements des cours des matières premières et des contractions de demande internationale.
1. Les tendances récentes : la dégradation de la conjoncture en 2014-2015 risque de se prolonger en 2016 faute de réformes structurelles
1.1. En 2014 et 2015, la conjoncture économique russe s’est dégradée
Le PIB a stagné en 2014 (+0,6%) et s’est contracté de -3,8% en 2015. Après avoir été difficilement jugulée durant les années 2000, l’inflation est repartie à la hausse en 2014 (+7,8%) et 2015 (15,8%). De même, le taux de chômage est reparti à la hausse et a crû à plus de 8% en 2015. Le rouble s’est déprécié et a fait l’objet d’attaque répétées en raison de la fuite des capitaux depuis 2014 (128 Mds US$ ont quitté le pays en 2014). En particulier, le 16 décembre 2014, le rouble a perdu 20% face au dollar et la bourse de Moscou a subi un mini-krach en perdant 17% de sa capitalisation en un jour. La banque centrale relève alors ses taux directeurs mais décourage ainsi l’investissement domestique. Elle ne peut mener de front trois objectifs : défendre le rouble pour soulager le poids des dettes libellées en devises, juguler l’inflation et favoriser l’investissement.
Les causes de cette dégradation sont de plusieurs ordres.
La baisse des cours des hydrocarbures d’abord : suite aux décisions de l’OPEP, les cours du pétrole ont été divisés par 3 de 2014 à 2015 : mi 2014, le baril de brent était à 120 US$ ; fin 2015, il est à 40 US$. Or budget et perspectives de croissance pour 2015 et 2016 étaient bâties sur un cours à 100 US$ le baril comme l’a rappelé le président Poutine le 17 décembre 2015 lors de sa conférence de presse internationale.
Le cycle des sanctions et contre-sanctions européennes et russes ensuite : les sanctions européennes privent la Russie d’afflux de capitaux dont le pays a un besoin vital ; les contre-sanctions ou embargo suscitent une reprise de l’inflation.
Enfin, les fuites de capitaux privent l’économie d’investissements et affaiblissent la devise nationale en dégradant la balance des paiements courants.
Les conséquences sur les finances publiques russes sont sensibles. Le déficit public s’est creusé en 2015 de -4,5% après des années d’excédent ou de stabilité. Certes, la dette publique est restée contenue mais les dépenses sociales sont dynamiques. Si l’état central souffre encore peu des déficits récents, les collectivités locales ont le plus grand mal à se financer en raison d’un effet de ciseau entre, d’une part, l’augmentation des dépenses sociales et, d’autre part, le renchérissement du crédit. La conjoncture récente (2014-2015) n’a pas entraîné la ruine de l’économie russe. Mais elle a souligné de nouveau (après 1998 et 2009) les fragilités structurelles de l’économie : dépendance à l’égard des exportations énergétiques, non reconversion de son appareil industriel et agricole, instabilité monétaire, inflation endémique, fuite des capitaux, sous-développement financier.
2.2. Perspectives négatives pour 2016 : récession, inflation et baisse de niveau de vie
Lors de sa conférence de presse internationale annuelle du 17 décembre 2015, le président Poutine a annoncé un retour de la croissance pour 2016 grâce au retour des investissements pour retrouver une croissance positive en 2016. Mais ce n’est probablement qu’un voeu, déjà formulé lors de la conférence de presse annuelle du 19 décembre 2014.
Plusieurs éléments assombrissent les perspectives de croissance du PIB et des recettes fiscales pour 2016.
Le PIB devrait se contracter de 0,5% en 2016. La Russie resterait en récession pour une année au moins. La production industrielle est en contraction depuis la fin de 2014 et le restera.
Le rouble reste à la moitié de son cours d’avant la crise ukrainienne et les taux restent élevés. L’instabilité monétaire persistera ainsi que la raréfaction du crédit.
La demande intérieure continue de se contracter (-4 % par an). Il n’y aura pas de relai de croissance par la demande intérieure en raison de l’incapacité de la production nationale à remplacer les importations européennes.
Si la contraction de la demande soulage l’inflation en général, les produits de première nécessité voient eux leur prix continuer à s’envole, pénalisant toujours plus le pouvoir d’achat des Russes : l’inflation des produits alimentaire atteint 17% au mois de décembre 2015.
Les cours des hydrocarbures sont pour l’instant sous les 40 US$. Leur remontée reste conditionnée à un éventuel changement de stratégie saoudienne, regain d’activité mondiale ou une modification profonde de la dynamique aux États-Unis.
Loin de s’alléger, le poids des sanctions est renforcé par les sanctions à l’égard de la Turquie.
Pour 2016, les causes de la récession économique russe (faible prix des hydrocarbures et faiblesse des productions nationales hors énergie) ne varieront pas. Les perspectives de court et moyen terme sont négatives pour l’économie russe : à politique étrangère inchangée et en l’absence de réformes structurelles pour l’économie domestique, la Russie de Poutine sera condamnée à en rabattre sur ses prétentions géopolitiques.
Manuscrit clos le 23 décembre 2015
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