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Russia have economic means of its geopolitical ambitions ?
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La Russie a-t-elle les moyens économiques de ses ambitions géopolitiques ?
Par Cyrille BRET, Michaël BEGORRE- BRET, le 2 janvier 2016
Enseignent à
Sciences-Po
Les faiblesses structurelles de l’économie russe conjuguées aux sanctions européennes et à la division par trois des cours des hydrocarbures depuis 2014 entravent à moyen terme l’action extérieure du pays. Comme l’URSS, la Fédération de Russie a des ambitions géopolitiques au-dessus de ses moyens économiques. Apparemment forte, l’économie russe est en fait dépourvue de modèle de développement économique non dépendant des hydrocarbures, de monnaie solide et d’une industrie nationale diversifiée capable de résister aux chocs exogènes. Les annonces optimistes du président Poutine lors de sa conférence de presse internationale du 17 décembre 2015 sont en grande partie des vœux pieux : 2016 sera très probablement une nouvelle année de récession pour la Russie.
DANS SA CONFERENCE de presse du 17 décembre 2015, le président de la Fédération de Russie, a repris l’antienne qu’il avait entonnée lors de l’édition 2014 de cet événement médiatique et politique de la fin d’année : “le pire de la crise est derrière nous”. Il y a un an, le 19 décembre 2014, Vladimir Poutine avait en effet annoncé que la crise monétaire, le cours des hydrocarbures et la crise économique trouveraient leur point bas en 2015 et prendrait une orientation favorable pour 2016. Qu’en est-il ? La crise économique russe est-elle en passe de s’achever ? La Fédération de Russie a-t-elle l’appareil productif et les finances publiques nécessaires pour servir son action extérieure particulièrement ambitieuse, en Ukraine et en Syrie évidemment, mais également d’Arctique et en Afrique, dans la Baltique et en Extrême-Orient ?
Moins médiatisées, les données de la Banque mondiale et du FMI ont été publiée presque en même temps que la conférence de presse présidentielle. Elles font état d’une réalité économique moins favorable. Les annonces de Vladimir Poutine sont en grande partie un village Potemkine.
Si la position géopolitique de la Russie a profondément changé en 2015, sa situation économique a, quant à elle, stagné. La Fédération est passée du statut de rival de l’OTAN en Europe orientale à celui d’allié de la France pour lutter contre Daech en Syrie. L’opération militaire russe en Syrie, lancée le 28 septembre 2015 par le président russe du haut de la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU n’a pourtant pas modifié les déterminants fondamentaux de l’économie russe.
Depuis 2009, la Russie consacre une part croissante de ses ressources à la défense : son effort de défense représente plus de 4% de son PIB et plus de 800 000 personnes sont actives sous les drapeaux, avec plus de deux millions de réservistes (le Royaume-Uni, “champion” de l’UE, consacre 2,5% de son PIB). Mais la Russie a-t-elle l’infrastructure financière, budgétaire et économique nécessaire pour porter ses ambitions internationales sur le long terme ? Ou bien est-elle, comme en son temps, l’URSS, un géant géopolitique aux pieds d’argile en matière économique ?
Pour trancher, il est nécessaire :
1. D’abord de rappeler les grands déterminants structurels de l’économie russe des années 2000 et 2010 : c’est une économie de rente, favorisée un temps par les marchés financiers mais à la merci des retournements de la conjoncture mondiale ;
2. Ensuite de faire état des tendances récentes et des prévisions de court terme : la dégradation de la conjoncture en 2014 et 2015 risque fort de se prolonger en 2016 en raison du maintien prévisible de cours bas pour les hydrocarbures, des probables sanctions financières de la part des Occidentaux et de son incapacité à générer une activité économique équilibrée.
Tant que les cours des hydrocarbures resteront bas, que les sanctions européennes, renouvelées le 21 décembre 2015, resteront en place, et que l’appareil productif russe n’aura pas connu une profonde mutation, la Russie subira la même malédiction que l’URSS : elle aura des ambitions géopolitiques supérieures à ses capacités économiques, réelles mais déséquilibrées.
1. Une économie de rente basée sur l’exportation de ressources naturelles, qui ne trouve pas d’autre moteur de croissance
Les déterminants structurels de l’économie russe lui assurent une rente et une taille enviables, mais ces atouts n’ont pas été mis à profit pour lui assurer un second souffle.
1.1. La décennie Poutine des années 2000 est une période de croissance par les exportations : armes et hydrocarbures
La Russie est un pays en transition qui se remet encore des crises récentes qu’elle a traversée. Sa taille la hisse au 9e rang mondial : son PIB représente environ deux tiers du PIB français (2000 Mds US$ en 2014, contre 2 800 Mds US$ pour la France). Sa croissance, constamment autour de 7 % par an entre 1999 et 2008, a depuis flanché. Après l’effondrement de l’économie entre 1990 et 1998, la Russie a bénéficié d’une
croissance de rattrapage : le PIB n’est revenu à son niveau absolu de 1990 qu’en 2005.
Bien vue des marchés, la Russie a alors bénéficié d’apports de capitaux (Goldman Sachs invente en 2001 le groupe des BRICS promis à devenir les géants de demain) mais n’a pas saisi l’occasion de ces investissements pour relancer et diversifier son appareil industriel. La crise la fait entrer en récession en 2009, puis après une faible croissance, stagne en 2014 (0.6%) et se contracte à nouveau en 2015 d’environ 4%.
L’euphorie des années 2000 a conforté le pouvoir du président Poutine à l’intérieur mais n’a pas conduit à des réformes de fond : l’économie russe pâtit de faiblesses structurelles révélées au tournant de 2010.
La prospérité apparente repose sur un modèle économique déséquilibré : c’est une
économie de rente basée sur l’exportation d’armes et surtout de matières premières (énergétiques et minières) dont elle détient 30% des réserves totales. Sa dépendance aux exportations de produits pétroliers et gaziers est avérée. En 2012, celles-ci représentaient : 16% du PIB, 52% des recettes du budget fédéral, 70% de la valeur des exportations. Le secteur de l’armement est dynamique : la Russie est le deuxième exportateur d’armes au monde en 2015, derrière les Etats-Unis.
La population générale perdu 800 000 personnes par an de 1990 à 2008 pour atteindre le point bas de 142 millions et repartir légèrement à la hausse depuis lors à 146 millions (Crimée comprise [2]) en 2015. Dans le classement de l’ONU des Etats par l’indice de développement humain (IDH, indice synthétique basé sur l’espérance de vie à la naissance, le revenu par habitant et le niveau d’éducation), la Russie se situe dans un groupe intermédiaire en dessous des grands pays de l’OCDE, avec le Venezuela, la Turquie et l’Iran. Avec un indice de 0,798, elle est au 50ème rang alors que la France, avec 0,888 est au 22ème rang.
1.2. L’économie russe est entravée par plusieurs facteurs structurels qui n’ont fait l’objet d’aucune politique publique efficace
La sur-dépendance aux hydrocarbures l’expose à des chocs exogènes : volatilité des cours et retournements de conjoncture mondiale. Ainsi, la crise mondiale de 2008 a réduit la demande et entraîné une contraction du PIB de près de 8% en Russie. De plus, cette dépendance l’expose aux risques de transit notamment via le corridor ukrainien comme en attestent les crises récurrentes (2009, 2014). Enfin, combinée à un appareil économique et administratif opaque, cette dépendance alimente les inégalités et la corruption en raison du poids des oligarques.
La corruption, traditionnelle dans l’économie tsariste puis soviétique (cf. Le Révizor de Nicolas Gogol et Les 12 chaises de Ilf et Pétrov), tient à la place de l’Etat et de l’entourage du Kremlin dans l’économie. La Russie est classée au 136ème rang (sur 174) du classement de Transparency international en 2015. Conjuguée à l’insécurité juridique sur la propriété privée, cela décourage les investissements étrangers et encourage à la fuite des capitaux vers les places financières étrangères (Londres, Dubaï). La Russie a un sous-investissement chronique.
Le sous-développement de son infrastructure bancaire : les systèmes de paiement et d’épargne domestique sont dépendantes des grandes banques étrangères et sont souvent adossés à des groupes énergétiques.
Si la balance commerciale est excédentaire (en moyenne de 8,4% du PIB de 1990 à 2013) grâce aux exportations énergétiques, minières et d’armement, le poids des importations de biens de consommation courante (aliments, meubles) expose la Russie à des dépendances importantes comme en attestent les difficultés d’approvisionnement consécutives aux embargos décrétés sur certaines denrées européennes. En 2013, la Russie a par exemple importé pour 300 Mds US$ de produits alimentaires et de biens manufacturés.
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